Arrivés à Huancayo, on se dirige vers le village de Chupaca,
connu pour son marché aux bestiaux, mais nous arrivons deux jours trop tôt. On
continue jusqu’à un virage d’où l’on peut marcher jusqu’à la lagune
Ñahuimpuquio. Le sac à dos nous pèse un peu à cette altitude, mais les chemins
sont magnifiques, on passe au milieu d’un petit hameau en pleine campagne,
d’une cour d’école sans murs, on n’entend que la végétation, les oiseaux et les
ânes, parfois quelques rires et très rarement un 4x4 sur les pistes non
asphaltées proches. Ah, j’oubliais… nos poumons aussi !
Arrivés à la lagune, après s’être reposés à l’ombre au bord
de l’eau et avoir pris le temps de profiter du climat délicieux et du paysage,
nous voici au moment tant attendu, celui de passer à table ! Aujourd’hui,
on mange en plein air, chez le propriétaire (un couple de petits vieux
adorables). Au menu : dégustation de truites frites et en ceviche,
accompagnées d’une Chicha de Jora offerte dans un pichet et des verres en
terre : le meilleur de la gastronomie andine, directement chez le
producteur. Un vrai délice ! La chicha de jora (qui n’a rien à voir avec
la chicha morada de Lima), appelée bière des Incas, est la boisson traditionnelle
des Andes péruviens qui s’obtient après fermentation du mais. Le goût m’a
beaucoup fait penser à la bernache.
On se remet en marche et on continue en stop vers Hualhuas,
petit village fameux pour sa production de lainages : tout le monde ou
presque est concerné ! Puis, fatigués après une froide nuit de bus et une
journée physique en moyenne altitude, on continue la route pour arriver de nuit
à Jauja. Dans un petit restaurant, je me rappelle du ¼ de poulet de la jungle,
une petite patte minuscule, et je demande donc un demi-poulet… Pas minuscule du
tout, pas vraiment cuit non plus et plutôt gras, la digestion s’annonce sympathique !
Heureusement, le mate de coca est une valeur sûre et réparatrice qui ne nous
faillit jamais en montagne. Il est 9h, les lumières sont éteintes, le village
dort et nous, petits vieux de 23 ans, sommes prêts à tomber de sommeil, sommeil
que je ne trouverai pas de la nuit d’ailleurs.
Le samedi, on part en direction de la Laguna de Paca. On
nous dit qu’il y a des ruines sur la colline qui surplombe la lagune, mais on
se retrouve vite bloqués car il n’y a pas de chemin, et il est impossible
d’escalader les parois car de grosses pierres s’en détachent. Le paysage
sublime compense très vite la déception de notre échec. Un autre moyen de
découvrir la culture précolombienne ? Se rendre dans un restaurant et
gouter la Pachamanca, un plat andin de viande, pommes de terre et légumes cuits
en faisant un trou dans la terre (dans lequel on insère des pierres chaudes).
De par sa méthode de préparation et de cuisson, ce plat est bien plus que de la
nourriture, c’est un rite communautaire dans les Andes, et dans les quartiers
de Lima peuplés par des migrants andins.
En fin d’après-midi (oui, un repas au Pérou, ça peut prendre du temps!),
après être retournés à Jauja, on monte une colline pour rejoindre des ruines
huancas, qu’on ne trouve pas. Après la réserve de Yauyos, le marché aux
bestiaux, les ruines de la matinée, c’est vraiment le voyage des loupés. On
marche entre les champs de pomme de terre, dans un paysage vraiment sublime,
d’un vert intense et humide mêlé à la lumière jaune vif du soleil déclinant. On
en profite pour parler un peu avec les paysans en pleine récolte, et on fait
demi-tour en coupant à travers un champ pas encore récolté. C’est comme ça que
par hasard, on arrive aux fameuses ruines dominant la vallée du Mantaro et
Jauja. On s’adosse à la statue du christ qui a été plantée là, juste au dessus
des ruines, sûrement pour montrer qui est le plus fort : on admire la
ville, les maisons pour la plupart construites en adobe, la vallée et les montagnes
aux alentours, et on décide de redescendre avant la tombée de la nuit pour
éviter de se perdre en chemin… On regarde le soleil qui se couche de l’autre
côté de la vallée, dans un ciel rose qui dégage une force incroyable :
trois puissants rayons violets partent du sommet de la montagne enneigée
derrière laquelle il a disparu. La vue est magnifique, et la magie du moment ne
sera rompue que par un troupeau de vaches qui foncent vers la petite butte où
nous sommes, cornes en avant, et qui font détaler mon amie avant même que je
n’ai pu les voir venir. Grands rires des éleveurs qui les suivent, sourires un peu cons sur nos bouches, on profite encore un petit peu puis on retourne au
village.
Le dimanche matin, on se lève tôt, trop tôt, pour trouver un
bus à destination de Lima. Il doit être 7 ou 8 heures, mais les enfants sont
déjà à défiler en uniforme du collège autour de la place, avec la fanfare, les
policiers, les parents et les drapeaux. On les regarde un peu surpris, en
mangeant notre pain fourré à l’omelette et au fromage, et en buvant notre jus
de fruit tiède qui sera assez dur à avaler. On est presque choqués en
apercevant le premier touriste depuis notre départ de Lima : cette région,
malgré sa beauté et de nombreux attraits, est encore relativement délaissée car
elle est le Nord de la zone qui fut le berceau du Sentier Lumineux, durant les
années 1970. Le site de l’ambassade la classe encore comme ‘‘formellement
déconseillée, même pour raisons professionnelles impératives’’. Aujourd’hui, la
réalité est tout autre.
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