vendredi 2 décembre 2011

11 Novembre : Marcahuasi

Le week-end dernier, avant que ne commence la grosse période révisions/exams, on a décidé de partir pas trop loin de Lima : direction le plateau de Marcahuasi. Marcahuasi, c’est (officiellement ?!?!) l’une des 5 merveilles naturelles du Pérou, un haut plateau rocheux en altitude, comme une forêt de pierres.
Lima-Marcahuasi, ça fait environs 80km, c'est-à-dire 6h de route. On commence par 2h de combi pour sortir de la ville et rejoindre Chosica, en passant par le ‘‘cono este’’, les quartiers pauvres et industriels de l’Est de la ville. On perd 20 minutes pour faire les 200m qui longent un marché très populaire à La Victoria, mais on sera surtout frappés par la vallée verte du rio Rímac qui apparaît entre les premières montagnes grises, juste après la grisaille de l’immense zone industrielle de Ate (pour décrire Lima, on a le droit de se répéter en disant gris, ouai ouai ouai…). Puis suivent 4h de bus pour rejoindre le petit village de San Pedro de Casta, à 40km de là, perché à 3200m. 40km en 4h, ça fait du 10km/h, c'est-à-dire en moyenne le double d’un piéton, pas plus. Et c’est tant mieux, car cette route est le cliché même de la route péruvienne : montagnes, ravins, pas d’asphalte, des bonnes caillasses, pas de place pour se croiser. On se croise quand même : en se mettant à gauche, dans un virage au bord du précipice, les sensations sont meilleures…
Le début de la petite route de montage, avant que ca ne monte

Un des nombreux aqueduc
Derniers Kilomètres avant San Pedro de Casta
On passe le long d’une centrale hydraulique : ‘‘propriété privée – ordre de tirer’’. La montagne est parcourue par de longs oléoducs (ou gazoducs, ou aqueduc, ou autres choses…). Elle paraît très aride, jaune grillée, mais un agriculteur me dit qu’ils cultivent pleins plantes différentes : pommes de terre, mais, choclo (une sorte de mais ne poussant qu’au Pérou), blé, avocat, pommes, carottes, raisin, oignon, etc… On croise parfois un éleveur de chèvres, des vaches : On est à 4h de Lima, mais on a l’impression d’être à l’autre bout du pays, plusieurs siècles en arrière. Heureusement, le reggaeton dans le bus est là pour remettre les pendules à l’heure.

On arrive au village avec pour objectif de passer la nuit là, de s’acclimater. Tout invite à prendre son temps, se décontracter : les poules et les ânes sont en liberté, les chiens font la sieste, le mate de coca est parfait… et puis on croise 2 personnes qui nous disent qu’à Marcahuasi, le soir même, il y a une fête électro, qu’il faut absolument qu’on campe là-bas : selon eux et beaucoup d’autres, ce site est une grande source d’énergie, et comme on est le 11-11-11... On pensait s’éloigner de tout, passer un week-end à la campagne : loupé. On se dit que le moins pire, c’est d’y être pendant la fête (et pas après…), et on se décide à s’y rendre le jour même.
San Pedro de Casta, vu d'en haut au retour
Après 6h de bus, 3200m de dénivelé (n’exagérons rien : 3187m pour être précis, Lima est officiellement à 13m au dessus du niveau de la mer…), on s’apprête donc à se prendre 800m de dénivelé supplémentaires, plus 3h de marche ou 2h de cheval. Le choix est vite fait. Les propriétaires des chevaux nous accompagnent… en marchant… Leur endurance est à couper le souffle, l’altitude aussi. Les chevaux fatiguent, marchent au bord du chemin (on a le pied au dessus du ravin…), le soroche (mal d’altitude) n’est pas vraiment là, mais on sent qu’il nous guette. On traverse des champs en terrasse, une forêt de cactus, un chemin de terre et de pierres roses (Toulouse !!!), on passe à côté de corrals, le long du chemin des villageois travaillent.
Enclos délimité par un muret, avec un aperçu des cactus, qui
forment des champs un peu plus haut

Terre rouge, pierres bleues et roses... pendant la descente
  

Plus on monte, plus la brume est dense, jusqu’à ce qu’on arrive à Marcahuasi : en passant la porte, on découvre l’amphithéâtre enveloppé d’un épais brouillard, au milieu duquel quelques tentes sont plantées, en plus d’un minuscule chapiteau qui abrite un mac crachant de l’électro. Le décor est tout simplement surréaliste : on se croirait dans un film de sorcières (souvenirs de McBeth, en 2nde), au milieu des landes où le brouillard se déplace. On distingue un chien au loin (une amie pense au sinistros, de Harry Potter), des personnes, des formes. On plante la tente en trépignant d’impatience (bon, de froid aussi…) d’explorer les alentours. On prend de la hauteur pour dominer l’amphithéâtre, sans s’éloigner car on se dit qu’il serait très facile de se perdre. On ne voit pas à plus de 50m par moments.
La brume se dissipe 30 secondes pour avoir une vue d'ensemble de l'amphithéâtre, vu d'en haut
En redescendant, on fait connaissance avec certains des hippies-campeurs-teuffeurs. On est sur une autre planète, survoltés par la fatigue, l’altitude, la musique, le lieu, le climat, l’ambiance. C’est l’anniversaire de notre ami, qui ne s’attendait pas du tout à le passer comme ça !
Un chien à 20m de nous, qu'on ne voit presque pas
On est exténués, avec l’impression à 19h30 qu’il est déjà 23h. Après une des nuits les plus inconfortable de notre vie (essayez de dormir à 3 dans une tente de 1 personne et demie, située à 30m d’une enceinte qui crache de l’électro à plein volume…), on se lève tant bien que mal. A 5 minutes du site en marchant (plus 10min pour s’orienter, on y voit rien…), on arrive au bord d’un précipice. Il y a un petit rocher qui le surplombe. Une amie s’avance, le ciel se dégage un petit peu et l’immensité, ou le vide, apparaît. Je m’y aventure ensuite, mais en quelques secondes le brouillard est réapparût, et je ne vois rien : je suis seul sur un rocher, au-dessus de rien, devant rien et en-dessous de rien, je suis juste enveloppé d’une épaisse masse grise, à un pas (devant, à gauche et à droite) de tomber dans le vide. Impossible de prendre une photo, impossible de décrire la sensation, mais impossible d’oublier.

La pierre du bout du monde. Taper Marcahuasi sur un
moteur de recherche connu pour voir ce que c'est vraiment...
Au bord du gouffre... qu'on ne voit pas
Le retour à l’amphithéâtre est difficile mentalement : il fait froid, on est fatigués, on ne peut pas s’aventurer plus loin de peur de se perdre dans le brouillard, et la techno s’est remise à tourner à plein régime. On a encore (juste) le temps de prendre le bus de 14h : on plie la tente et redescend au village presque en courant. 3 jours plus tard, les courbatures étaient encore là… On arrive à Lima exténués, crades (on a passé 2 jours dans la poussière), on sent le feu de bois, on est enrhumés pour une petite semaine, mais on a vécu une expérience hallucinante ! On y retournera en saison sèche, histoire d’en voir un peu plus !